Apparitions et disparitions inquiétantes dans les nouvelles de Greg Egan

Greg Egan est un auteur de science-fiction australien qui s’est fait connaître à partir des années 1990 comme l’un des représentants majeurs sur le plan international de la hard science fiction, c’est-à-dire de la branche du genre qui s’attache avec un soin particulier à l’exactitude de son argument scientifique. Or si c’est vraisemblablement dans le domaine de la nouvelle que Greg Egan atteint le sommet de son art, lorsqu’on examine les deux recueils qui réunissent ses premières nouvelles, on ne peut être que frappé par l’omniprésence des figures d’apparition et de disparition : ainsi les retrouve-t-on au centre de nouvelles comme « Eugène », « La Caresse », « L’Enlèvement », ou « En apprenant à être moi » dans Axiomatique, ou encore « Paille au vent » ou « Rêves de transition » dans Radieux. Ce qui nous paraît ici particulièrement intéressant, c’est qu’en dépit de l’inscription indubitablement « hard-scientifique » de ces nouvelles, y règne le plus souvent une atmosphère d’inquiétude, tant sur la solidité du monde que sur soi, qui apparente paradoxalement l’écriture eganienne à l’art du fantastique dans sa définition la plus canonique. Y a-t-il alors un lien privilégié entre les phénomènes d’apparition et de disparition des nouvelles et l’atmosphère d’inquiétude qui les habite ? Peut-on effectivement y identifier des « effets fantastiques », ou l’impression d’inquiétude qui y plane est-elle mise en œuvre par d’autres procédés ? Dans quelle mesure ces derniers sont-ils distincts de ceux que l’on retrouve dans des romans de l’auteur comme Isolation, où les phénomènes d’apparition et de disparition jouent aussi un rôle clé ? A travers cette analyse et ces questions à un auteur en particulier, nous nous proposons d’observer comment des effets fantastiques, tels des formes de vie extrêmophiles, peuvent parfois se nicher dans l’environnement apparemment peu propice de la nouvelle, voire du roman, de hard science fiction.