Abstract
Cette contribution aborde la question de l’enseignement et de la recherche en droit français au Royaume-Uni sous un angle décalé, replaçant le droit français dans le contexte historico-géographique plus large de la tradition romaniste à laquelle il appartient. L’Angleterre montre à cet égard une aptitude à dialoguer avec l’autre tradition juridique européenne qui n’a – on ne peut que le regretter – pas d’équivalent en France. Nous utilisons l’exemple du droit de l’enrichissement sans cause (« law of unjust enrichment » ou « law of restitution ») pour illustrer le caractère profondément créatif de ce dialogue. Avec Peter Birks (1983 : An Introduction to the Law of Restitution ; 2003 : Unjust Enrichment), on voit ainsi apparaître et se développer une discipline nouvelle crée par la surimposition d’une structure romaniste, dérivée de Gaius et Grotius, sur les vieux matériaux tant de la common law au sens strict que de l’equity, qui formaient jusque là une jungle remédielle sans cohérence analytique (actions de quantum meruit ou quantum valebat, quasi-contrats, constructive ou resulting trusts, etc). Le dialogue avec la tradition romaniste moderne y est aussi constant (voir la révolution copernicienne de Birks en 2003, inspirée par Sonja Meier du Max-Planck-Institut et alignant le droit anglais sur le droit allemand).
Par contraste, le droit français de l’enrichissement sans cause apparaît coupé de ces courants doctrinaux paneuropéens que l’on peut comparer à un nouveau ius commune. L’une des raisons principales en est certainement l’ignorance du droit romain qui, joint à un droit comparé qui ne dépasse que rarement le stade décoratif, coupe la doctrine française à la fois de ses racines et de ses voisins. La cohérence du droit national en est affectée (exemple de la condition d’appauvrissement du demandeur en sus de l’enrichissement du défendeur, qui est considérée comme une évidence alors qu’elle n’est exigée ni en droit allemand ni en droit anglais). A l’inverse, les bons juristes britanniques ont en général à la fois une connaissance substantielle du droit romain (obligatoire à Oxford et Cambridge ; Birks était professeur de droit romain avant d’être un common-law lawyer) et aussi une conscience aiguë de la dimension historique de leur droit. L’exemple de l’enseignement et de la recherche anglaise en droit de l’enrichissement sans cause nous donne ainsi des indications précieuses sur la manière d’orienter notre enseignement et notre recherche en France.
Translated title of the contribution | Civiliser la common law. L'exemple de l'enrichissement sans cause [Civilianising the common law: the case of unjust enrichment] |
---|---|
Original language | English |
Title of host publication | L'enseignement et la recherche en droit français au Royaume-Uni et en Irlande [Teaching and Researching French Law in the United Kingdom and Ireland], Maison Française d'Oxford |
Publication status | Published - 10 Oct 2009 |